Force majeure – escroquerie au RIB – obligation de paiement

Tribunal de commerce de Bordeaux, jugement du 15 mars 2024, RG 2023F01165

Dans cette affaire, une entreprise sous-traitante réclamait à l’entreprise principale le règlement du solde au titre du contrat conclu.

L’entreprise principale refusait le règlement au motif qu’elle avait été victime d’une escroquerie au RIB, ce qui aurait constitué, selon elle, un cas de force majeure justifiant le non-respect de ses obligations contractuelles.

Le Tribunal va considérer que l’entreprise principale ne démontre pas en quoi le fait d’avoir été victime de ladite escroquerie constituait pour elle un cas de force majeure.

L’entreprise principale est donc condamnée au règlement du solde du marché.

Dans une espèce similaire, la Cour d’appel de LYON avait déjà pu considérer que :

« Reste les dispositions de l’article 1218 du code civil, selon lesquelles :

‘Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur’.

En l’espèce, la force majeure ne peut à l’évidence être retenue, le fait que le paiement réalisé ait été détourné par un tiers ne pouvant être opposé au créancier de l’obligation à paiement et la société West Motors étant toujours en mesure d’exécuter son obligation vis à vis de son créancier, s’agissant du paiement d’une somme d’argent et n’étant pas dès lors empêchée de l’exécuter au sens de l’article précité.

La Cour en conséquence confirme la décision déférée qui a condamné la société West Motors à payer à [M] et [S] [W] la somme provisionnelle de 52 000 € au titre de la soulte qui leur était dûe. » (Cour d’appel, Lyon, 8e chambre, 22 Juin 2022 – n° 21/05462)

Un syndicat des copropriétaires sollicitait une indemnisation en réparation des désordres affectant les carrelages de certains appartements.

L’arrêt présente un double intérêt.

En premier lieu, la Cour va considérer qu’il faut distinguer la dalle de béton qui supporte chaque niveau, participe du gros oeuvre, et relève donc sans conteste des parties communes, des chapes de ciment qui ont été mises en place dans chacun des appartements et qui n’ont pas d’autre objet que de permettre la mise en place des revêtements de sols, au sens strict du terme, tels que les carrelages.

Par extension, les chapes sont donc partie intégrante de ces revêtements de sol et ne peuvent être considérées comme des parties communes.

En deuxième lieu, la jurisprudence admet que des désordres affectant les parties privatives peuvent relever des attributions du syndicat des copropriétaires lorsqu’ils sont généralisés.

Mais il faut, dans ce cas, qu’ils engendrent un trouble collectif qui affecte l’ensemble des copropriétaires.

En l’espèce, la Cour se livre à une analyse factuelle. Elle rappelle que le syndicat des copropriétaires ne peut prétendre agir dans l’intérêt de tous les copropriétaires concernés puisque plusieurs d’entre eux ont agi en réparation de leur préjudice à titre individuel et ont obtenu une indemnisation décidée par le Tribunal tandis que d’autres ont vu déclarer leur demande forclose.

Par ailleurs, il est constant que si de nombreux appartements sont concernés par ces désordres, ce n’est pas le cas de tous et dans chaque appartement, toutes les pièces ne sont pas nécessairement atteintes.

Ainsi, l’expert a évalué à 57, 2 % la surface dégradée par rapport à la surface totale des sols recouverts de céramiques.

Cette proportion varie selon les étages concernés et elle s’amenuise nettement aux 4ème, 5èmeet 6ème étage.

À l’inverse, le rez-de-chaussée et le 1er étage sont quasi-intégralement concernés par les désordres.(cf pp 51 à 53 du rapport d’expertise).

Il ressort du tableau présenté par l’expert en pages 84 de son rapport que sur 82 appartements, 13 sont indemnes de désordres et par conséquent, si on raisonne par copropriétaires, il n’est pas possible d’affirmer que c’est l’ensemble de ceux-ci qui sont affectés.

Certes, certains de ces appartements n’ont pu être visités mais il ne peut en être déduits qu’ils doivent être rangés au rang de ceux qui souffrent de désordres et la carence de leurs occupants laisse supposer le contraire tandis qu’il était loisible au syndicat des copropriétaires de les contacter en dehors des visites sur les lieux de l’expert pour vérifier dans quel état se trouvait les carrelages au sein de ces appartements.

Dès lors, le jugement qui a déclaré irrecevable l’action en réparation des dommages liés aux défauts affectant les carrelages, exercée par le syndicat des copropriétaires de la résidence X, sera confirmé également sur ce point.`

 

 

Jean CORONAT
Avocat associé

Jean CORONAT

Droit des contrats publics
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Droit administratif général
Droit de la Construction

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